Cartographie de la filière diagnostic : "C'est maintenant que nos entreprises doivent être visibles ! " (Eurobiomed)

Alors que les enjeux de santé se focalisent autour de la détection du Covid et de ses variants et des vaccins, le pôle de compétitivité santé Eurobiomed, dans le sud de la France, compte les forces en présence en établissant une cartographie industrielle de la filière diagnostic. Et affûte ses armes pour accompagner au mieux ces entreprises sur leurs besoins afin d’assurer le déploiement d’un potentiel encore sous-exploité.
Cécile Chaigneau
Le kit de diagnostic conçu par l'entreprise montplliéraine IDvet permet la détection des anticorps contre le SARS-CoV-2.
Le kit de diagnostic conçu par l'entreprise montplliéraine IDvet permet la détection des anticorps contre le SARS-CoV-2. (Crédits : DR)

C'est la deuxième fois que le pôle de compétitivité santé Eurobiomed, dont l'action couvre la région Sud-Paca et la région Occitanie, établit une cartographie industrielle de la filière diagnostic sur son périmètre. Dans le contexte de crise sanitaire mondiale, la démarche permet d'évaluer les forces en présence sur ce segment et d'apprécier les points forts et les points faibles d'une filière qui se construit.

Six ans après la première cartographie (en 2014), Eurobiomed est allé interroger les 83 entreprises de son périmètre, issues du diagnostic in vitro (DIV), de l'imagerie, du diagnostic numérique et du diagnostic interventionnel. Parmi ces 83 membres d'Eurobiomed qui œuvrent dans le diagnostic, 54% sont basés en Occitanie (45 entreprises), 39% en Paca (32 entreprises) et 60% sont concentrées sur Marseille et Montpellier, avec 73% des effectifs. Ces entreprises évoluent dans un écosystème favorable qui rassemble cinq CHU et cinq universités.

« Cette cartographie souligne la richesse et la densité de notre écosystème du diagnostic, observe en préambule Émilie Royère, directrice générale d'Eurobiomed. Depuis maintenant dix ans, Eurobiomed anime et accompagne cette filière dans ses projets d'innovation et compte, dans les mois à venir, renforcer encore son soutien. »

Eurobiomed livre une cartographie de la filière diagnostic dans le sud de la France

La cartographie de la filière diagnostic dans le sud de la France, établie par Eurobiomed.

428,8 millions d'euros de chiffres d'affaires cumulés en 2020

Le diagnostic in vitro (DIV) reste toujours majoritaire (50%) malgré l'émergence du diagnostic numérique (16%). L'imagerie représente 18% des entreprises, les sociétés de services spécialisées en diagnostic 13% et le diagnostic interventionnel 3%.

« La cartographie révèle que la filière s'est agrandie avec une belle progression de l'emploi, souligne Laurent Garnier, chargé de mission chez Eurobiomed à Montpellier. 73% des 26 entreprises qui ont répondu en 2014 et de 2020 ont augmenté leur effectif de 28% en moyenne sur la période. »

Par exemple + 73% chez DMS Imaging, + 17% chez Cezanne-Thermo Fisher, ou + 270% chez IDVet...

Le chiffre d'affaires cumulés des 68 entreprises qui ont répondu s'élève à 428,8 millions d'euros en 2020, avec 71% des entreprises qui font du chiffre d'affaires (soit à peu près autant qu'en 2014), démontrant que la majorité d'entre elles ne misent pas uniquement sur les levées de fonds pour trouver des ressources financières. 93% des répondants font de la R&D, et 54% des entreprises (56% en 2014) ont un modèle économique mixte R&D-Prestations. Un quart des répondants assurent l'ensemble de la chaîne de valeur et un quart également assurent la distribution de leurs produits ou services.

Parmi les pathologies ciblées, l'oncologie (65% des entreprises contre 29% en 2014) et l'infectiologie (42% des entreprises contre 25% en 2014) arrivent en tête.

Les maladies cardiovasculaires sont la troisième indication phare (36%), suivies par les maladies neurologiques et les troubles psychiatriques (31%), le vieillissement (31%), les maladies métaboliques (27%), les pathologies musculo‐squelettiques (25%), la dermatologie (18%) et la pneumologie (11%).

Montée en puissance du diagnostic numérique

96% des entreprises ont des produits en développement ou en validation clinique, 63% ont des produits en process réglementaire, 51% ont des produits accrédités et 66% des produits sur le marché.

L'une des principales tendances observées par l'enquête d'Eurobiomed est la montée en puissance du diagnostic numérique « qui peut prendre la forme d'un chatbot pour accompagner des patients, d'une application de monitoring pour mesurer une insuffisance respiratoire ou de surveillance du risque cardiaque fœtal », énumère Laurent Garnier, qui souligne que ces nouveaux outils sont volontiers appropriés par de nouvelles catégories d'utilisateurs, les pharmaciens et les patients eux-mêmes.

« Ces dernières années, cette filière a initié une mutation technologique par une intégration massive des outils numériques, en particulier l'intelligence artificielle, observe Émilie Royère. L'évolution est d'aller vers l'analyse des paramètres multiples et l'IA a toute sa place car elle permet d'aller plus loin, de faire un accompagnement utile dans un contexte où on observe de plus en plus de maladies chroniques. L'IA permet de perfectionner le diagnostic. »

Réactivité et résilience

En 2020, alors que dans la crise sanitaire, tous les projecteurs se braquaient sur la filière santé, les entreprises du grand sud se sont fortement mobilisées, « avec plusieurs produits de dépistage de la Covid‐19 mis sur le marché en un temps record par des entreprises du territoire », se félicite Émilie Royère.

« Elles ont été très réactives en allant sur des sujets sur lesquelles elles n'étaient pas forcément, confirme Laurent Garnier. Comme par exemple à Montpellier SkillCell avec le CNRS, Vogo et le CHU de Montpellier (tests salivaires - NDLR), IDVet (kits de diagnostic sérologique - NDLR), Intrasens (protocole de lecture scanner thoracique, dédié au Covid-19 - NDLR) ou Sim&Cure. A Marseille, HalioDX, Immunotech Beckman Coulter ou C4Diag qui détecte le Covid dans les eaux usées. Ou encore à Toulouse, SmartCatch. »

« Beaucoup d'études cliniques ont été décalées, ainsi que des levées de fonds même si quelques-unes ont pu être réalisées malgré tout dans la santé, comme MedinCell et Phost'In Therapeutics en Occitanie, ou ImCheck Therapeutics à Marseille, ajoute Émilie Royère. Des retards importants ont été pris sur les aspects business et commerciaux en raison de l'arrêt des salons, ou de l'impossibilité de voyager. Mais la résilience a été forte. Nous allons relancer une étude sur l'état d'esprit et la santé des entreprises du pôle aujourd'hui pour mesurer si elles enregistrent des signes de reprise ou au contraire des difficultés nouvelles. »

« C'est maintenant que nos entreprises doivent être visibles ! »

Au nom de la souveraineté technologique notamment, une prise de conscience est-elle en marche depuis l'avènement de la crise sanitaire ?

« Les choses bougent, répond prudemment la directrice d'Eurobiomed. Entre la crise du printemps et aujourd'hui, beaucoup d'initiative ont été lancées pour renforcer la filière au niveau technologique et industrialisation, via notamment des appels à projets ou appels à manifestations d'intérêt. Les montants annoncés sur les stratégies d'accélération va arriver. Tout ça est positif, mais notre souci, c'est que les choses soient simples et accessibles pour les PME. Ce sera notre rôle de les aider mais nous avons de grosses craintes sur la complexité du système qui est en train de se mettre en place... Il faut surtout agir sur la réglementation et faciliter l'accès aux marchés. C'est pourquoi Eurobiomed a créé la filière nationale du diagnostic en septembre 2020. C'est maintenant que nos entreprises doivent être visibles ! »

La filière du diagnostic en France est constituée en majorité de petites entreprises et selon Eurobiomed, peu ont émergé. Autrement dit la France dispose d'un potentiel qui se concrétise peu. La filière nationale devrait porter des actions pour favoriser l'accès au marché français, encourager les collaborations, avancer sur le diagnostic de demain ou financer la R&D pour être plus attractifs vis-à-vis des investisseurs.

« On attend de voir l'arrivée de nouveaux types d'investisseurs sur la santé en raison des nouvelles opportunités qu'apporte le numérique dans ce secteur, souligne Emilie Royère. Mais on manque encore un peu de recul. Les citoyens ont conscience aujourd'hui de l'importance de cette filière et ce changement de perception entraînera aussi un changement de perception chez les fonds d'investissement. »

Cécile Chaigneau

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