Qui est Hugues Galambrun, ce Cévenol ceinture noire à la tête de la galaxie Septeo ?

Depuis un peu plus d'an an, il est seul à la tête du groupe montpelliérain Septeo, ensemble d’une grosse vingtaine de structures, toutes spécialisées dans la digitalisation des métiers du droit et de l’immobilier. Hugues Galambrun pilote quelque 2.200 salariés en France et dans le monde. Ce dirigeant, Cévenol d’origine et empreint d’une forte culture protestante, évoque volontiers les valeurs du sport en guise de référence. Portrait.
Cécile Chaigneau
Hugues Galambrun, président de Septeo.
Hugues Galambrun, président de Septeo. (Crédits : DR)

Il dit ne pas aimer les mondanités... Parce qu'il est désormais seul aux manettes du groupe Septeo et que ce groupe prend de l'envergure, son président Hugues Galambrun se retrouve pourtant projeté dans la lumière un peu plus qu'auparavant. Jusqu'alors, ce sont surtout les deux autres associés (et fondateurs du groupe en 2013), Philippe Rivière et Jean-Luc Boixel, qui portaient l'image de l'entreprise. Mais en novembre 2020, à la faveur d'une ouverture de capital, le fonds britannique d'investissement Hg Capital est devenu actionnaire majoritaire, les deux hommes sont restés actionnaires mais se sont retirés du pilotage opérationnel, laissant Hugues Galambrun à la tête du groupe.

« Ça m'oblige à aller sur le devant de la scène », concède le dirigeant alors qu'il reçoit La Tribune dans son bureau montpelliérain, avec l'air de ne pas goûter cette exposition plus que ça...

Le groupe Septeo, c'est aujourd'hui une galaxie d'entreprises hyper spécialisées dans les solutions logicielles de dématérialisations des professions réglementées : Genapi, Genapi Belgium et NCIS (pour les notaires), Secib, Secib Belgique, Gestisoft et Eficio (pour les avocats), Azko, Ecostaff, Softlaw et Meet laW (pour les legaltech), SoftOuest (pour les huissiers de justice), LegalSuite (pour les directions juridiques), SPI, La Gestion Intégrale, Modelo, Kinaxia et Netty (pour l'immobilier), Appliware, Novatim, RG System et Avelia (pour l'IT et la sécurité). Soit au total plus d'une vingtaine de solutions pour 150.000 utilisateurs revendiqués.

Le groupe emploie 2.200 collaborateurs, dont 750 à Montpellier et les autres à Paris, Lyon, Toulouse, Strasbourg, Nice, Bordeaux, au Canada, à Boston, en Belgique.

Le premier schisme

Cévenol d'origine, Hugues Galambrun est né en mai 1968 (53 ans), a grandi à Villefort au pied du Mont Lozère, et se dit « camisard soixante-huitard ». Un mélange détonnant ? Peut-être. Mais l'homme a suivi une ligne relativement droite depuis son enfance jusqu'à ses premiers pas professionnels, entre un père professeur de lettres et une mère institutrice. « Les études étaient sacralisées et j'étais matheux par obligation », souligne-t-il. Relativement droite, car il narre toutefois avoir préféré opter pour l'internat au lycée de Mende, puis, alors que sa route était toute tracée pour intégrer une classe prépa après un baccalauréat C avec mention, « je n'ai pas voulu retourner au lycée et je suis parti en fac de sciences éco à Montpellier... C'était le premier schisme ».

Celui qui dit avoir toujours aimé l'histoire-géo et l'économie - la micro comme la macro - opte ensuite pour un Magistère d'Économie et Finance à l'Université de Bordeaux.

« Peut-être que le plus important dans ma carrière professionnelle, c'est quand, en 2e année de Magistère, j'ai fait un stage de finances de trois mois dans une filiale de Saint-Gobain à Bordeaux, raconte-t-il. Le patron m'a proposé de faire une étude de marché. Alors j'ai fait du commerce, je suis allé dans les usines et je suis rentré en me disant que je ne voulais pas faire de finances ! J'ai compris que j'étais plutôt fait pour le monde de l'entreprise. »

Après un an en Espagne à Bilbao, il se lance dans un Master en Commerce & Management à l'IADE de Madrid, qui le conduit à intégrer en 1993 sa première entreprise, Clior, une PME spécialisée dans les logiciels de gestion dont il crée la filiale à Barcelone, filiale qu'il développera et dirigera pendant trois ans.

Le sport de la reconquête

Comment lui est venue l'esprit d'entrepreneuriat ?

« Mes parents m'ont influencé et mon père, notamment, m'a enseigné à être curieux. J'ai grandi dans un milieu très sobre, dans une culture protestante donc une culture de la responsabilité. Je me souviens qu'un jour, alors que j'étais au CP, je suis parti jouer au foot sans avoir eu le temps de préparer un exposé : mon père m'a dit, sans s'énerver, "tu as toute la nuit pour le faire". »

Ce judoka ceinture noire dit aussi avoir été façonné par ce sport pratiqué de façon intense et en compétition : « C'est une école de la vie car ça vous apprend à chuter sans se faire mal et à se relever, ça vous forme à l'humilité. C'est un sport difficile psychologiquement car lorsque vous perdez, vous êtes touché dans votre corps. C'est le sport de la reconquête ! »

Alors Hugues Galambrun forge sa conquête entrepreneuriale en chemin. En 1997, Clior le rappelle au siège en France et deux ans après, il en devient directeur général, avant d'intégrer le groupe Wolters Kluwer France (société néerlandaise d'édition professionnelle) en 2003, après un spin-off puis une vente de la branche logiciels avocats à ce même groupe.

« J'ai rencontré Hugues Galambrun à ce moment-là, se souvient Sylvie Faye, aujourd'hui présidente des Éditions Dalloz, des Éditions Francis Levebvre et des Éditions Législatives. Il y avait cette crainte de se faire laminer par le grand groupe. Je ressentais chez lui une ouverture d'esprit et une appétence pour le projet mais aussi un attachement aux valeurs auxquelles il croit : proximité avec les clients, sens du service et sens de l'équipe. Il a tout de suite joué le jeu et il a réussi le challenge de rassembler des équipes qui, avant, étaient concurrentes. Il disait et il faisait, sans faux-semblants. Ce qu'il est devenu ne m'étonne pas. »

Alexandre le Grand...

En 2006, Hugues Galambrun rencontre Jean-Luc Boixel et Philippe Rivière, fondateurs de la société Genapi qui digitalise les métiers du notariat, avec lesquels il s'associe, apportant son expertise dans le domaine des logiciels pour les avocats. Ils créent ensemble le groupe Septeo en 2013.

« A partir de là, on s'est réparti les rôles : Philippe sur la partie technologie et logiciels, Jean-Luc sur les finances, et moi sur le développement commercial, indique Hugues Galambrun, l'œil dans le rétroviseur. Trois personnalités très différentes mais c'est pour ça que ça marchait. »

Aujourd'hui, Septeo, ce sont donc 2.200 collaborateurs, un chiffre d'affaires 2021 de 230 millions d'euros. Quelque 500 recrutements supplémentaires sont annoncés en 2022, année où l'activité devrait atteindre les 300 millions d'euros. Pour grandir, Septeo a mis en place une forte stratégie de croissance externe. Depuis le seul début d'année 2022, trois acquisitions ont ainsi été conclues : Avelia (50 salariés) dans le domaine de la sécurisation des communications et des échanges de données, SoftOuest (45 salariés), leader français du logiciel pour les huissiers de justice, et Ingeneo (30 salariés), solution d'IA à destination des experts-comptables. Et d'autres dossiers d'acquisition sont à l'étude...

Le challenge d'Hugues Galambrun désormais : imposer la marque Septeo comme porte-étendard de cette galaxie d'entreprises et de marques.

Sylvie Faye, qui se déclare impressionnée par le pilotage de cette galaxie, dit de lui : « Il me fait penser à Alexandre Le Grand : on annexe mais on laisse la culture ». Rien de moins.

« Pour en arriver là où il est, il faut parfois faire preuve de courage pour des décisions pas toujours faciles à prendre, mais on peut aussi faire les choses bien, sans forcément être brutal », répond-elle quand on lui demande s'il y a un revers à cette médaille de dirigeant d'une success-story...

Être prêt à bondir

Se cache-t-il quelque chose derrière le vernis lissé du chef d'entreprise ? Quel manager est-il ? On sait qu'Hugues Galambrun n'est pas le mieux placé pour répondre à cette question. Il concède la complexité de l'exercice.

« Tout doit être délégué car je ne peux rien gérer directement mais je dois comprendre tous les sujets et être vigilant sur tout, analyse-t-il. D'où l'importance d'avoir de l'intelligence et des compétences autour de soi... Je m'exprime toujours avec le maximum de sobriété, j'essaie d'éviter ce qui est convenu, je ne mets jamais les petits plats dans les grands et j'essaie de ne pas "faire de phrases". Ce que la compétition de judo m'a appris, c'est que la vie de l'entreprise est dure. On est jugé en interne, on ne fait jamais l'unanimité, et on est jugé à l'extérieur car on a des compétiteurs. Il faut donc toujours être physiquement en forme si on veut dominer mentalement. Il faut être prêt à bondir ! »

L'analogie avec le sport n'est jamais bien loin, chez Hugues Galambrun.

« C'est un fou furieux de sport, notamment de rugby et handball, pour le côté dépassement de soi », dit de lui Ludovic Mazeau, directeur marketing du Montpellier Hérault Rugby (MHR), club dont Septeo est partenaire. Il achète des places dans nos espaces réceptifs mais pour ses collaborateurs dans la grande loge Club 86... Aujourd'hui, lui et Philippe Saint-André (manager du MHR, NDLR) se connaissent bien et ils échangent beaucoup sur les liens entre le sport de haut niveau et le management. »

« Taciturne mais je fais semblant d'être très sociable »

En effet, Philippe Saint-André confirme une relation qui s'est développée depuis un an et demi : « Hugues est un amoureux du rugby et la connexion a tout de suite été bonne. C'est quelqu'un de très humain, qui a été là dans les moments difficiles pour le club. On parle souvent de management et on a pas mal d'atomes crochus sur le sujet. Je suis allé chez Septeo avec mon staff et j'ai pu voir comment il fait participer ses collaborateurs. Il y a pas mal de points sur lesquels nous avons la même philosophie, notamment dans le côté collaboratif. Et j'apprécie que malgré toutes ses responsabilités dans une entreprise en pleine croissance, il reste simple ».

Quand on demande à Hugues Galambrun s'il a un guide spirituel, il répond dans un sourire « Non, je suis de culture protestante et on ne croit pas trop aux saints... ».

Une empreinte protestante cévenole qui se perçoit ? Sylvie Faye assure que cette culture est très prégnante chez le dirigeant qu'elle dit « animé par un système de valeurs de probité et de discrétion ». Elle ajoute que « ce n'est pas quelqu'un qu'on connaît facilement »...

Un résumé d'Hugues Galambrun par... Hugues Galambrun ? « Je suis taciturne mais je fais semblant d'être très sociable », lance-t-il, ajoutant qu'il n'aime ni les repas mondains ni le réseautage.

Une anecdote délivrée par Philippe Saint-André semble en attester : « Je me souviens d'un match auquel Ludovic Mazeau l'avait invité, et tout de suite après la fin du match, Hugues voulait partir. J'ai dû insister pour qu'il reste à la 3e mi-temps ! ».

Cécile Chaigneau

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