L’Etat lance une mission interministérielle sur l’optimisation de la gestion de l'eau dans les Pyrénées- Orientales

Des mois sans eau et un département déjà confronté aux prémices d’une bataille de l’eau obligeant à des restrictions et à un partage encore inédits. Les Pyrénées-Orientales doivent prendre en main leur destin de territoire soumis à la sécheresse… Le 27 octobre, la préfecture annonce le lancement d’une mission interministérielle de quatre mois sur l’optimisation de la gestion de l'eau dans le département, avec pour objectif de faire émerger des propositions sur plusieurs sujets comme la gestion des principaux ouvrages hydrauliques, les investissements dans le réseau de canaux, le remplissage des nappes phréatiques ou les nouvelles ressources (eaux usées, désalinisation), mais aussi la répartition des rôles entre communes et intercommunalités sur les réseaux.
Cécile Chaigneau
Dans les Pyrénées-Orientales, le barrage sur l’Agly, à Caramany, est tombé largement en-dessous de sa côte maximale au printemps dernier.
Dans les Pyrénées-Orientales, le barrage sur l’Agly, à Caramany, est tombé largement en-dessous de sa côte maximale au printemps dernier. (Crédits : Yann Kerveno)

Un an et demi que la sécheresse sévit dans le département des Pyrénées-Orientales. Le territoire est l'un de ceux les plus exposés, et découvre des tensions inédites sur l'accès à l'eau, que ce soit pour les habitants, pour les activités agricoles (le département est notamment connu pour ses filières arboricoles et viticoles, et pour son maraîchage) et économiques ou pour les milieux naturels.

La crise a déclenché un important chantier collectif d'amélioration de la gestion de la ressource en eau, porté par les décideurs et acteurs locaux : État, collectivités locales, syndicats de gestion de l'eau, entreprises, monde agricole, secteur associatif, communauté éducative et universitaire. Plusieurs initiatives ont déjà été engagées en 2023, sous l'impulsion ou en lien avec l'État : revue de la gestion des barrages pour tenir compte de la sécheresse, travail sur des retenues multi-usages, autorisation de réutiliser les eaux usées, engagement des maires pour résorber les fuites dans les réseaux notamment.

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Appuyer l'effort collectif

Car cette situation inédite autour d'une sécheresse historique (voir encadré) contraint désormais les différents acteurs du territoire à revoir les algorithmes : usages, anticipation, restrictions, partage de la ressource...

Le 27 octobre, la préfecture des Pyrénées-Orientales annonce le lancement d'une mission interministérielle de quatre mois sur l'optimisation de la gestion de l'eau dans le département. Ainsi, « pour appuyer cet effort collectif », le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et la secrétaire d'État chargée de la Biodiversité ont-ils chargé l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) d'une mission d'appui sur l'optimisation de la ressource en eau.

Cette mission travaillera durant quatre mois, auprès du préfet des Pyrénées-Orientales, Thierry Bonnier (en poste depuis la mi-septembre). Ses objectifs : « Définir des propositions opérationnelles sur plusieurs sujets majeurs : gestion des principaux ouvrages hydrauliques et notamment des barrages, investissement dans le réseau de canaux, nouvelles retenues hydrauliques, contrôle des forages, remplissage des nappes phréatiques, nouvelles ressources (eaux usées, désalinisation), préservation et restauration des zones humides », annonce la préfecture. Autre sujet : la répartition des rôles entre communes et intercommunalités sur les réseaux.

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Huit mois de sécheresse dans le rétroviseur

Le département est passé en alerte renforcé à l'été 2022. Entre le 1er octobre 2022 et le 14 mars 2023, les Pyrénées-Orientales (comme les trois autres départements viticoles du Languedoc-Roussillon, l'Hérault, le Gard et l'Aude) accusent un déficit de précipitations de 60% par rapport à la normale décennale, et le département catalan est celui où la situation est la plus critique, avec seulement 158 mm de pluviométrie pour une normale décennale à 487 mm.

Dès le mois de mars, la Société Hydro-Électrique du midi (SHEM), gestionnaire des retenues et usines de production d'électricité de la vallée de la Têt, met ses usines à l'arrêt, faute d'eau. Une première. Les gestionnaires des canaux et des systèmes d'irrigation sous pression s'opposent aux agriculteurs, notamment sur le débit réservé de la Têt, fleuve dont dépend une grande parie du maraîchage et de l'arboriculture. Des agriculteurs priorisent certains parcelles à d'autres.

En mars également, le maire de la commune d'Elne prend un arrêté municipal inédit : l'interdiction de toute nouvelle construction de piscine ou percement de forages dans la nappe sur le territoire de sa commune.

Quatre communes à sec

En avril, l'association des maires des Pyrénées-Orientales et l'État lancent une charte d'engagement volontaire pour faire réaliser des économies d'eau aux communes et accentuer l'acceptabilité des mesures de restriction. Du côté de l'eau potable, la situation est surveillée de près dans une petite vingtaine de communes et à compter du 14 avril, quatre communes (Bouleternère, Corbère, Corbère-les-Cabanes et Saint-Michel-de-Llotes, soit 3.000 habitants) sont privées d'eau potable et alimentées avec des bouteilles d'eau.

Dans un courrier adressé le 24 avril au Président de la République, Hermeline Malherbe, la présidente (PS) du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales, réclame des aides urgentes de l'Etat pour faire face à la sécheresse exceptionnelle, évoquant « une catastrophe écologique, demain économique » et qui pourra déboucher sur « une catastrophe humaine ». D'autant qu'en parallèle, le risque incendie menace et prend corps les 16 et 17 avril avec un premier incendie à Banyuls-sur-Mer et Cerbère, ravageant plus de 1.000 hectares.

Un ministre au chevet

Le 6 mai, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau est en visite dans les Pyrénées-Orientales pour prendre le pouls d'une agriculture au bord du gouffre et tente de rassurer les professionnels. Quatre jours plus tard, le 10 mai, la quasi-totalité du département est placée en situation de "crise", le plus haut niveau d'alerte, en raison d'une sécheresse historique « d'une intensité et une durée qui n'ont pas d'équivalent depuis le début des relevés météorologiques (1959) », précise le comité Ressource en eau des Pyrénées-Orientales. Sont alors interdits l'arrosage des pelouses, espaces verts, potagers et autres terrains de golf, le lavage des voitures par les particuliers, le remplissage des piscines à usage privé et la vente ou pose de piscines chez les particuliers, mais aussi le remplissage des piscines à usage collectif (piscine municipale, hôtel, camping, résidences de tourisme, parc de loisir)...

Cécile Chaigneau

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