« Béziers doit assumer son nouveau leadership » (Matthieu Ourliac, Medef Ouest Hérault)

ENTRETIEN - Le territoire biterrois est-il en train de se réinventer ? C’est ce que veut croire Matthieu Ourliac, chef d’entreprise dans les ressources humaines (Groupe Caminarem) à Béziers et président du Medef Ouest Hérault. Alors que la réindustrialisation du territoire passera notamment par le projet de la future gigafactory Genvia (hydrogène décarboné), l’entrepreneur officialise sa candidature à un second mandat au Medef sous le signe de la souveraineté et dit ses espoirs pour ce bout de l’Hérault.
Cécile Chaigneau
Matthieu Ourliac, président du groupe Caminarem à Béziers, et président du Medef Ouest Hérault.
Matthieu Ourliac, président du groupe Caminarem à Béziers, et président du Medef Ouest Hérault. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Matthieu Ourliac, qui dirige le groupe Caminarem (agence de recrutement et d'intérim, portage salarial, cabinet RH) à Béziers, est le président du Medef Ouest Hérault. Il annonce être candidat à sa succession aux prochaines élections du Medef, le 26 septembre prochain.

LA TRIBUNE - Un mot sur la conjoncture et son impact sur l'écosystème biterrois ?

Matthieu OURLIAC, président du Medef Ouest Hérault (400 adhérents) - Les entreprises ont dû augmenter les salaires de 3 à 5%, et dans le même temps, le prix des automobiles a pris 40%, l'immobilier 30%... Ça ne marche pas ! Et pourtant la crise économique n'est pas un sujet. Or les bilans économiques 2024 seront pires que ceux de l'année 2020, où les entreprises ont été beaucoup aidées ! Aujourd'hui, il n'y a plus beaucoup de secteurs protégés. Les points de vigilance, ce sont les cessation de paiement, les impayés,... Le tribunal de commerce recrute, ce qui n'est pas bon signe. Sur le territoire de l'ouest héraultais, l'année est compliquée, comme partout ailleurs, en particulier dans l'immobilier. L'impact est un peu moindre dans l'industrie mais ce n'est pas l'euphorie non plus. Mais nous sommes portés par un espoir fort dans le Biterrois , grâce au projet industriel autour de Genvia (future gigafactory de fabrication d'électrolyseurs haute température destinés à produire de l'hydrogène décarboné compétitif, NDLR). Il est plus facile de traverser la tempête quand on aperçoit le soleil.

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Vous officialisez votre candidature à votre propre succession à la tête du Medef Ouest Hérault, la seule à ce jour. Vous clôturez un premier mandat où il a été beaucoup question de la valeur travail et de mobilités. Pourquoi ?

Les mobilités sont le premier frein à l'emploi. On perçoit actuellement une pression sur les entreprises pour déplafonner le versement mobilité (contribution due par les employeurs privés ou publics pour financer les transports et les services de mobilité, NDLR). J'y suis opposé, tout comme je suis aussi opposé à la gratuité des transports (référence au choix de la Métropole de Montpellier, qui a rendu les transports en commun gratuit depuis la fin décembre 2023, NDLR) si elle doit être financée par ce déplafonnement... Il faut que ce versement mobilité soit utilisé pour financer la mobilité de nos collaborateurs vers nos entreprises, donc il faut que cette taxe soit mieux discutée entre la collectivité et les entreprises pour flécher des financements sur les zones où sont implantées des entreprises. Le président de l'agglomération de Béziers, Robert Ménard, est prêt à discuter de ce sujet et je l'en remercie.

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Vous souhaitez placer votre 2e mandat, si vous êtes élu, sous le signe de la souveraineté. Pourquoi choisir un thème et pourquoi celui-ci ?

Les idées doivent aussi venir du terrain et c'est le rôle des corps intermédiaires de les faire remonter... Je choisis ce fil conducteur pour les trois prochaines années autour de trois axes. Le premier, c'est l'Armée. Elle a une vraie proximité avec les entreprises, pour le reclassement de ses militaires, mais pas seulement : l'Armée, ce sont des marchés nationaux pour les entreprises françaises dans de multiples secteurs d'activités et tout un tas de services. Je veux aussi défendre l'idée qu'après une période de flottement managérial, les échanges avec l'Armée ont beaucoup à nous apprendre sur ce que c'est qu'être un dirigeant, un chef, et de faire avancer les gens dans un projet commun. L'Armée travaille avec des jeunes, elle est confrontée comme nous aux sujets de la quête de sens ou des difficultés de recrutement. Voyons ce que les militaires ont à nous apprendre sur le management... Le deuxième axe de souveraineté, c'est l'écologie. On ne peut pas continuer à dépendre, sur le plan énergétique, de pays qui ne nous veulent pas du bien ! L'écologie, ce sont les énergies renouvelables ou le nucléaire, l'agroalimentaire et l'agriculture avec les questions de réserve d'eau et de bassines. L'eau, depuis la nuit des temps, tombe quand elle veut et où elle veut. Des sécheresses, il y en a toujours eues. Le génie de l'Homme, c'est de la capter là où elle est et de l'amener où elle est nécessaire. Irriguer la région, c'est s'assurer un puits carbone. Des projets comme Aqua Domitia (réseau d'eau additionnel d'irrigation du Gard à l'Aude en traversant l'Hérault, qui pourrait s'étendre jusqu'en pays catalan, NDLR), par exemple, il ne faut pas se les refuser. Donc oui aux progrès technologiques pour le mix énergétique, pour l'eau, etc.

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Le troisième et dernier axe de la souveraineté, c'est la réindustrialisation. Quelles pistes de travail aimeriez-vous développer ?

La réindustrialisation est engagée. Mais je veux appuyer un point : la réouverture des mines en Europe, et ce n'est pas moi qui le dit, c'est le Medef. En France, nous avons des mines, notamment pour des matériaux nécessaires à la fabrication de batteries, mais on ne veut pas le voir car c'est sale ! Par exemple, alors que nous avons des mines de cobalt en Alsace, on va le chercher au Congo dans des conditions inacceptables... N'y aurait-il pas du courage politique ou civique à rouvrir nos mines ? Nous avons des bassins miniers dans l'ouest Hérault, notamment de la bauxite. Mais ce sujet est très polémique, pas populaire, c'est le rôle des corps intermédiaires de porter ces sujets. D'autant qu'aujourd'hui, la mine, ce n'est pas Germinal, c'est la mine 4.0... C'est un sujet sur lequel les gens ne sont pas prêts, mais je veux au moins le mettre sur la table.

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Actuellement, les entreprises sont confrontées, dans beaucoup de secteurs, à des problématiques de recrutements. Comment avancer sur cette question, selon vous ?

Il faut que la formation se rapproche des bassins d'emplois, et ne se fasse pas uniquement dans les métropoles. Il faut décentraliser certaines filières de formation. Pourquoi faire des ingénieurs à Montpellier alors que les besoins sont à Béziers ou Nîmes ? A la rentrée 2023, l''IUT de Béziers avait ouvert une licence professionnelle IA Robotique, et Polytech va ouvrir une formation d'ingénieur en génie Industriel à Béziers à la rentrée 2024 (permettant de soutenir la réindustrialisation du territoire, en particulier le projet GENVIA, NDLR). Cela illustre un début de prise de conscience de cette nécessité de décentraliser les formations selon les besoins des bassins d'emploi... Maintenant, il reste quand même un effort à faire sur le territoire biterrois : comment faire de Béziers une ville attractive pour les jeunes et les amener à penser « génial, je vais faire mes études à Béziers ! »...

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Justement, quelle place occupe aujourd'hui le bassin biterrois et quelles relations entretient-il avec ses voisins de Montpellier, Narbonne ou Port-la-Nouvelle, base arrière de l'éolien en mer ?

Béziers doit assumer son nouveau leadership. Une meilleure répartition de l'économie est en route sur le territoire. Narbonne et Béziers se tournent le dos alors que les villes sont cousines ! Elles auraient tout à gagner à s'ouvrir l'une vers l'autre, notamment parce que le bassin d'emploi des cadres est plus large que celui des ouvriers, et il peut y avoir des intérêts partagés...

Qu'entendez-vous par « nouveau leadership de Béziers » ?

Béziers est en train de renaître, en partie grâce à une génération de jeunes entrepreneurs qui apportent une nouvelle dynamique sur le territoire. Béziers est porté par le projet Genvia et par l'écosystème EDEN (Ecosystème durable et énergies naturelles, NDLR) qui se construit autour, embarquant de nombreux sous-traitants. Béziers regagne au rugby (rires)... Et sur le plan immobilier, c'est le moment d'investir, la ville retrouve de l'attractivité (l'impact de la crise de l'immobilier a été moindre dans les villes moyennes comme Béziers, où, après un effondrement des prix dans les années post-2010, ils sont fortement remonter et se stabilisent aujourd'hui autour de 1.400 euros/m2 dans l'ancien, 3.500 à 4.000 euros/m2 dans le neuf, encore bien en-dessous des prix pratiqués dans la métropole voisine de Montpellier, NDLR).

Robert Ménard, qui s'est ancré à l'extrême-droite de l'échiquier politique et fait volontiers dans la provocation, est aujourd'hui dans son deuxième mandat de maire de Béziers, et il est désormais à la tête de l'agglomération Béziers Méditerranée. Atout ou frein pour le territoire ?

Je ne porte pas de jugement politique sur les élus. Mais je fais un constat : Béziers est mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années. La ville est devenue plus attractive, et sur l'économie, on peut dire que Robert Ménard est proactif.

Cécile Chaigneau

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