Passeport numérique : enCaps anticipe la réglementation européenne (et lève 1,6 million d’euros)

La toute jeune startup montpelliéraine enCaps, qui développe une technologie de QR code augmenté associant un passeport numérique universel et sécurisé aux objets physiques et numériques en circulation, lève 1,6 million d’euros, notamment auprès de business-angels. Elle ambitionne ainsi de propulser au plus vite sa solution sur le marché, précédant la nouvelle règlementation européenne sur le Digital Product Passport qui devrait entrer en vigueur en 2026.
Cécile Chaigneau
La startup montpelliéraine enCaps développement un QR code augmenté associant un passeport numérique universel et sécurisé aux objets physiques et numériques en circulation.
La startup montpelliéraine enCaps développement un QR code augmenté associant un passeport numérique universel et sécurisé aux objets physiques et numériques en circulation. (Crédits : enCaps)

Encourager l'économie circulaire, lutter contre l'obsolescence programmée et informer sur les possibilités de réparation ou de recyclage : tels sont les objectifs du futur « passeport numérique des produits » (en anglais « Digital Product Passport », DPP), souhaité par la Commission européenne. Destiné dans un premier temps aux produits textiles, aux appareils électroniques et aux batteries de voitures, le DPP doit permettre de fournir aux consommateurs des informations transparentes et détaillées sur la traçabilité, la durabilité et les matériaux employés de chaque produit. Il a également vocation à servir aux recycleurs en les informant sur les composants, et aux autorités publiques pour garantir le respect des normes européennes.

La solution technologique développée par la startup montpelliéraine enCaps, créée au printemps 2022 par trois entrepreneurs, pourrait constituer une réponse à cette future obligation, même si elle répond, en attendant, à d'autres problématiques. Pascal Jardé, Vincent Anselmo et Antoine Janning, qui ont déjà sévi dans l'entrepreneuriat, notamment dans les entreprises Octipas (spécialiste de la digitalisation des points de vente) ou Moonify (dont la plateforme visait à mobiliser et agréger la puissance des processeurs des ordinateurs d'utilisateurs de jeux vidéo en échange de crédits pour jeux), annoncent ce 16 octobre avoir levé 1,6 million d'euros.

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Alignement des planètes

« Avec le crash des cryptomonnaies (et donc un nécessaire pivot pour Moonify, NDLR), nous avons imaginé comment rendre tangible l'usage de la blockchain pour des objets et décidé de créer une nouvelle entreprise dédiée, enCaps, explique Pascal Jardé à La Tribune. Pour sécuriser le QR code, pas très difficile à pirater, nous avons développé un QR code augmenté, c'est à dire un QR code doté d'un code propriétaire dont on ne communique pas l'algorithme de chiffrage... Or il y a deux sujets qui constituent un bon alignement des planètes pour enCaps : l'Europe montre l'intérêt de l'identification de chaque produit via un passeport numérique qui sera obligatoire, et dans le même temps, le protocole GS1, qui établit les codes barres sur les produits, œuvre à les remplacer par des QR codes (plus efficaces car contenant plus d'informations, NDLR). »

Avec la "capsule" numérique sécurisée conçue par enCaps et brevetée, chaque objet (physique ou virtuel) peut se voir apposer un passeport numérique et être enregistré sur une base de données traditionnelle ou sur la blockchain, le QR code augmenté permettant décodage par tout type de smartphone connecté à internet.

« Le QR code augmenté redirige vers une page web sur laquelle l'utilisateur scanne à nouveau le QR code pour accéder au contenu, décrypte Pascal Jardé. Et en fonction de qui vous êtes et de votre habilitation, vous avez accès à diverses informations et fonctionnalités, depuis la fabrication de l'objet jusqu'à sa commercialisation et ses usages. »

Sécurité, authenticité, propriété

La réglementation européenne sur le passeport numérique des produits pourrait s'imposer à compter de 2026 (mais cela peut évoluer), et les technologies à adopter pour lier produit et passeport numérique n'ont pas encore été indiquées, mais en attendant l'ouverture de ce marché d'application de son QR code augmenté, la solution développée par enCaps peut déjà contribuer à résoudre d'autres problèmes portant par exemple sur l'authenticité ou la preuve de propriété, et permettre de nouveaux services pour améliorer la logistique, la livraison ou les transferts de propriété.

« Nous dématérialisons les droits de propriété d'un objet dans cette capsule numérique sécurisée, qui aura valeur d'acte authentique et immuable quand la blockchain sera utilisée », précise Antoine Janning.

L'apposition du QR code augmenté peut ainsi permettre de tracer les vélos volés ou de sécuriser des clés de jeux vidéo pour éviter qu'elles soient revendues à un prix déloyal sur Internet.

« Ce qu'on dit aujourd'hui à nos clients, c'est qu'il peut être intéressant de faire de cette obligation future une opportunité car cela permet d'ouvrir un canal de communication ou de mettre en place de nouveaux services, renchérit Pascal Jardé. L'étendue des usages possibles est importante. »

La levée de fonds de 1,6 million d'euros, soutenue par la Bpifrance pour moitié, a été réalisée auprès d'investisseurs privés et entrepreneurs spécialisés dans le monde du jeu vidéo et du digital, qui ont vu un intérêt à cette capsule numérique sécurisée. Parmi eux Christophe Carniel (cofondateur et CEO de Vogo), Régis Bonnessée (créateur du jeu Dixit), Pierre Ortolan (senior vice-président de Asmodee Group, éditeur et la distributeur de jeux numériques), Jérémy Zeler-Maury (CEO de Midgar Studio, éditeur de jeux vidéo) ou Gaël Bonnafous (ancien fondateur de l'éditeur de jeux vidéo Scimob, racheté par Webedia en 2016, et fondateur en janvier 2020 d'Elia Games).

« C'est en sollicitant l'expetise de enCaps sur les NFTs que nous avons pu mesurer l'intérêt et les nombreuses possibilités de développements futurs de leur solution technologique, déclare Christophe Carniel, chez Vogo. J'ai été d'autant plus convaincu par le modèle économique de enCaps que la commission européenne a ouvert la voie à l'adoption à grande échelle des passeports numériques des produits, engageant de nombreuses entreprises des secteurs du textile, de l'électronique, de l'automobile mais aussi du digital à s'y lancer d'ici 2026. »

Mobilité, luxe, art et jeux vidéo

Avec cette levée de fonds, enCaps veut propulser sa solution sur le marché, précédent ainsi la nouvelle règlementation européenne : « On prépare le terrain et on sera capables de changer de braquet quand l'Europe dira quoi mettre dans le passeport numérique », promet Pascal Jardé.

La startup vise quatre marchés prioritaires : la mobilité (vélos et automobiles), le luxe, l'art et le jeu vidéo. Parmi ses premiers clients, Bee-cycle, entreprise française qui propose un service de vélo de fonction et de location longue durée pour les entreprises, qui a fait appel à enCaps pour permettre aux différents intervenants (gestionnaires de la flotte de vélos, préparateur des vélos, utilisateur final) d'avoir accès aux informations nécessaires au bon fonctionnement du service en scannant le QR code augmenté sur chaque vélo.

La startup indique également avoir signé un contrat avec un acteur référent de l'automobile dont elle tait le nom : « Il s'agira de créer le passeport numérique du véhicule, avec a minima le carnet d'entretien, ce existe déjà mais nous le mettons sur la blockchain, et pourquoi pas, à terme, imaginer d'inclure tout l'écosystème de la voiture, par exemple l'assurance et la carte grise ».

L'entreprise prévoit aussi de lancer, d'ici la fin de l'année, Point Nexus, une plateforme spécifique à l'univers du jeu vidéo, répondant au besoin de son partenaire Plug In Digital et de tout autre studio et publisher : maîtriser la distribution des clés de jeux vidéo commercialisées sur les boutiques en ligne et ainsi limiter le « marché gris ».

« Une infrastructure à l'échelle mondiale »

Le modèle économique de enCaps repose sur le volume d'émissions de capsules : « Plus vous en prenez, moins elles coûtent cher et dans certains cas, il peut y avoir partage de revenus. En retour, nous nous engageons à maintenir la capsule à vie et à la faire vivre via la plateforme informatique », explique Pascal Jardé.

Les nouveaux moyens financiers alloués à la startup vont lui permettre de doper les équipes : « On passe de trois à une grosse dizaine de personnes et nous allons doubler d'ici le premier trimestre 2024, avec des profils techniques et commerciaux. Nous souhaitons une infrastructure qui soit dès le départ à l'échelle mondiale, ce qui demande des efforts considérables pour avoir des temps de réponse courts et donc des investissements technologiques, de développement informatiques et sur l'infrastructure serveur ».

La startup présentera ses solutions technologiques au CES de Las Vegas en janvier 2024.

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Cécile Chaigneau

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